On s’entend, entre nous
Algériens en général, qu’on a encore énormément à apprendre en termes de
respect de l’avis d’autrui, et surtout en termes de détachement par rapport a
nos sentiments en face de situations et événements, politiques en l’occurrence,
qui nécessitent un pragmatisme et une faculté d’analyse loin de toute
considération sentimentale. Peu importe le mis en cause, peu importe son passé,
peu importe ce qu’il a pu commettre comme méfaits, s’il doit face a la justice,
cette dernière doit être aveugle. La notion « aveugle » implique
aucune distinction a tous les niveaux; le traitement doit être sur la base des
faits. Maintenant si le mis en cause est une crapule qui mérite la prison mais
les magistrats n’arrivent pas à bâtir une accusation basée sur les faits, ou
cette crapule est entouré d’avocats capables de réduire à néant les dossiers à
charge, on doit l’accepter. C’est ainsi que l’on dirigera vers un pays de droit
dans le quel la justice est aveugle envers tout justiciable peu importe son
rang ou ce qu’il a pu commettre comme méfaits.
Si le combat des Algériens
porte sur la réforme du système judiciaire, on doit, avant tout, se préparer à
devenir des légalistes purs et durs. Être légaliste ne peut être au cas par cas,
mais tout le temps, dans tous les cas, et pour tous!
Pour commencer, on doit
tout d’abord apprendre à donner au discours son importance : Le choix du lexique,
la phonologie, la syntaxe, la sémantique sont le code a travers lequel les
journalistes et les hommes politiques passent leurs messages. Il y a aussi les
indications des images considérant la mainmise de l’audio-visuel sur la communication,
- de nos jours.
Le conseiller juridique d’Ennahar
aborde le cas Rahmani, à la lumière de son discours, sous deux angles distincts :
Forme et fond. Personnellement, je suis d’accord avec lui sur certains points
au niveau du fond de l’affaire, dont j’ai déjà publié mon point de vue dessus, mais
je ne puis être de son avis sur bon nombre d’autres points.
D’emblée, on distingue que
le journaliste, fidèle a la ligne éditoriale de cette chaîne, ouvre son
émission en mettant la table pour une énième polémique en accusant les chaines
concurrentes d’avoir perturbé le cours de l’enquête sans aucun motif légal (?),
ce qui est en soi une tromperie et une tentative d’influencer l’auditeur en
faussant son jugement.
Pour l'information, les chaines concurrentes ont joué leur rôle en rapportant
cette information comme Ennahar aurait fait dans d’autres circonstances s’agissant
d’une autre personnalité publique. En suivant le fil d’actualité des autres
chaines, je n’ai pu lire des commentaires exagérés, mais juste une lecture de
la mise sous mandat de dépôt.
Il est à rappeler au
présentateur que la chaîne pour laquelle il travaille, et lui-même ont usé de
méthodes mesquines et contre toute déontologie du métier lors de la cabale
menée contre respectivement Monsieur Kamal Bouakkez, Fodhil Dob, et Adlene
Mellah dans l’affaire d’Amir DZ. On se rappelle comment, avant même le début de
l’instruction, lui et ses collègues ont passé en boucle les images de ces
personnalités en boucle avec des titres les incriminant avant même qu’ils ne soient
jugés! On se rappelle que cette dépêche fut dans le fil d’actualités de la
chaîne de M. Rahmani pendant presque un mois entier.
Je salue en passant le discours cet avocat
qui malgré les tentatives répétées du présentateur pour le pousser vers un
discours biaisé a su garder sa ligne une ligne de conduite pragmatique, tout en
défendant son client.
Le premier point abordé
est sur la décision de conduire M. Rahmani au palais de justice par la porte
principale. Selon l’avocat, la procédure dans de telles circonstances impose la
présentation des prévenus par la porte arrière dudit palais par mesure de sécurité.
Personnellement, j’abonde dans ce sens dans la mesure ou on a bien constaté que
les personnalités publiques mise sous mandat de dépôt ont tous été conduits par
la porte arrière des différents palais de justice. Pourquoi déroger à cette règle
pour cet homme? Qui a pu prendre cette hasardeuse décision à ce moment précis
considérant l’impopularité du mis en cause, et tenant en compte le climat d’extrême
tension régnant dans le pays en ce moment, sans parler de la haine que voue la
rue à cet homme et à sa chaîne pour les raisons que l’on connait? Pourquoi
avoir prit un tel risque qui pouvait mener vers un point de non-retour!
Il est évident que la mise
sous mandat de dépôt du patron de cette chaîne fut tout de suite utilisée
politiquement par les parties occultes du système. On a usé des mêmes méthodes
pour discréditer son image, et par la même, le donner en pâture à la vindicte
populaire dans le but d’abaisser les ardeurs de la rue qui maintient la
pression pour un changement dans les faits des pratiques du passé. Une façon de
détourner l’attention et de donner un gage de confiance à la rue que les choses
sont sur le chemin du changement.
Les propos de Maitre Kroutel,
pour un homme de loi, sont contradictoires dans le sens ou la chaîne pour
laquelle il travaille a usé exactement des mêmes procédés mesquins dans l’affaire
de Amir DZ envers les mis en cause, cités ci-haut, pour les discréditer.
Pourquoi ne pas avoir dénoncé ce genre de de pratiques à ce moment-là! On
comprend que pour garantir la pérennité de son emploi, il ne pouvait émettre la
moindre réserve. En sa qualité d’avocat, il aurait dû ne pas s’avancer sur ce
chemin dans ce sens pour se garder une certaine crédibilité. Ceci nous ramène à
la nécessité d’être un légaliste en tout temps et dans toutes les circonstances,
- d’autant plus lorsqu'on est un homme de loi!
Pour ce qui est de la
deuxième partie de son intervention a travers laquelle il fustige le chef d’inculpation,
on ne peut qu’être d’accord avec lui pour les raisons suivantes :
Selon les premières
informations disponibles sur le motif de cette interpellation et mise sous
mandat de dépôt, il semblerait que les griefs retenus contre ce dernier sont
principalement en relation avec une « infraction à la législation sur le
change », « obtention d’indus avantages », « abus de
pouvoir », et « détention de comptes bancaires à l’étranger ».
Je trouve bizarre que Monsieur
Rahmani ait été convoqué par le procureur juste après avoir perdu son procès contre
le gouvernement pour diffamation, - ce qui jetterait le doute sur ledit
renouveau de la justice du pays.
Prenons quelques lignes
pour analyser les chefs d’accusation retenus contre Monsieur Rahmani. Pour ce
qui est du premier chef d’accusation, à savoir « infraction à la
législation sur le change », comment peut-on en vouloir à ce monsieur de
faire le change sur le Square à Alger pour pouvoir payer le signal du
satellite.
Pour l’information, la
location d’un faisceau sur le satellite coûte 200 000 dollars par an et
une heure d’antenne revient à 1 million de dinars, - ou environ 9
000 euros. A cause de l’inexistence de texte juridique réglementant le
paysage audiovisuel, les chaines privées se retrouvent avec un statut
ubuesque. Juridiquement la majorité de ces chaines sont officiellement
domiciliées dans les pays du Golfe ou en Europe. Bien que basées en Algérie,
elles n’ont, techniquement, aucune existence légale. Elles sont de droit des
pays du Golf ou des pays Européens, - mêmes si certaines ont un statut dormant.
Elles préparent leurs grilles en Algérie mais émettent depuis l’étranger, ce
qui leur vaut le surnom péjoratif de "chaînes offshore". Elles sont
accréditées, bizarrement, en tant que médias étrangers, avec juste un bureau
satellite.
Il faut se rappeler qu’en
2013, les autorités ont accordé à Ennahar, DZ TV, et Echourouk une
autorisation temporaire d’avoir un bureau de représentation en Algérie pour
être en mesure d’être informées de l’agenda officiel, et de traiter avec des
banques et des annonceurs nationaux, - une façon comme une autre pour bien les
contrôler. Comment la justice peut-elle juger cet homme pour le mouvement de
l’argent alors que sa chaîne est tolérée par les pouvoirs publics,
mais ne peut faire le transfert par la banque d’Algérie? Juger Rahmani serait
juger le système qui a laissé ce domaine dans une cacophonie totale à cause du
vide juridique.
Pour le deuxième chef
d’inculpation, je ne pense pas que le fait d’avoir des affaires autres que le
journalisme représente un crime. Si le monsieur a eu la licence pour lancer une
affaire de transport ou une agence de voyage, tant qu’il paye ses impôts et
qu’il respecte les lois de la république, je ne vois pas où est le mal.
On est tous d’accord que
Monsieur Rahmani n’a jamais été dans un poste officiel. Lui coller le grief d’« abus
de pouvoir » est une mascarade qui ne fait que renforcer que la justice
est toujours dans ses vieilles habitudes.
Finalement, on lui
reproche d’avoir des comptes bancaires à l’étranger. Quelle est la loi qui
interdit à un citoyen d’avoir un compte bancaire à l’étranger? Il faudrait
que quelqu’un informe les brigades financières et les magistrats que
99 % des transitaires, commissionnaires en douanes, et autres hommes d’affaires
Algériens ont des comptes à l’étranger. Pourquoi ce fait représente un acte
contraire à la législation quand c’est cet homme! Dans ce cas, il faut
emprisonner tous les hommes d’affaires! Pour rappel, et comme il est cité par l’avocat,
certaines chaines privées qui font partie des bouquets, reçoivent des ristournes
et ipso-facto avoir un compte bancaire a l’étranger est essentiel pour leurs
transactions.
Pourquoi le patron d’Ennahar,
bien qu’au courant du vide juridique entourant la réglementation de l’audio-visuel
à accepter de se lancer dans cette entreprise. Selon les informations
disponibles, bien entendu à prendre avec réserves, pour il fut le seul à avoir
des facilités pour des prêts énormes pour l’ouverture des locaux à Alger?
Maintenant, puisque Monsieur
Rahmani a cautionné les pratiques du système, malgré le vide juridique, qui consiste
a laisser des zones grises dans la réglementation de la profession pour bien contrôler
et surtout pour utiliser ces plates-formes comme relais a leurs politiques, en
acceptant de lancer cette chaîne, il doit en assumer les conséquences des pratiques
dont lui en particulier, à travers la ligne éditoriale qu’il a imposé à sa chaîne, a fait la promotion et défendu pour le compte des
anciennes figures du système!
En conclusion, cette réflexion
n’est en aucun cas un plaidoyer en faveur de Monsieur Rahmani, mais un constat
ou une intime conviction à la lumière des informations disponibles qu’il reste
du chemin à la justice Algérienne pour se libérer. Ce type de cabale n’est pas
ce que le peuple qui s’est révolté le 22 février voudrait. Si l’on juge Rahmani
pour avoir été proche de certains cercles du pouvoir a une certaine époque, il
faudrait, dans ce cas, juger 98% du peuple algérien qui a défaut d’avoir été
responsable du chaos fut partie prenante dans la faillite du pays par son
silence durant une quinzaine d’années sur la gestion du pays.
Par Salah Eddine Chenini