samedi 22 février 2020



Anis Rahmani: L’arroseur arrosé!

Maintenant que la ferveur de la mise sous mandat de dépôt de Monsieur Anis Rahmani, le sulfureux patron de la chaîne privé Ennahar est tombé d’un cran, je pense que je peux publier mon humble avis sur cette faire à partir de recoupements d’informations, et surtout faire l’analyse de l’intervention du conseiller juridique de cette chaîne.

 On s’entend, entre nous Algériens en général, qu’on a encore énormément à apprendre en termes de respect de l’avis d’autrui, et surtout en termes de détachement par rapport a nos sentiments en face de situations et événements, politiques en l’occurrence, qui nécessitent un pragmatisme et une faculté d’analyse loin de toute considération sentimentale. Peu importe le mis en cause, peu importe son passé, peu importe ce qu’il a pu commettre comme méfaits, s’il doit face a la justice, cette dernière doit être aveugle. La notion « aveugle » implique aucune distinction a tous les niveaux; le traitement doit être sur la base des faits. Maintenant si le mis en cause est une crapule qui mérite la prison mais les magistrats n’arrivent pas à bâtir une accusation basée sur les faits, ou cette crapule est entouré d’avocats capables de réduire à néant les dossiers à charge, on doit l’accepter. C’est ainsi que l’on dirigera vers un pays de droit dans le quel la justice est aveugle envers tout justiciable peu importe son rang ou ce qu’il a pu commettre comme méfaits.
Si le combat des Algériens porte sur la réforme du système judiciaire, on doit, avant tout, se préparer à devenir des légalistes purs et durs. Être légaliste ne peut être au cas par cas, mais tout le temps, dans tous les cas, et pour tous!
Pour commencer, on doit tout d’abord apprendre à donner au discours son importance : Le choix du lexique, la phonologie, la syntaxe, la sémantique sont le code a travers lequel les journalistes et les hommes politiques passent leurs messages. Il y a aussi les indications des images considérant la mainmise de l’audio-visuel sur la communication, - de nos jours.
Le conseiller juridique d’Ennahar aborde le cas Rahmani, à la lumière de son discours, sous deux angles distincts : Forme et fond. Personnellement, je suis d’accord avec lui sur certains points au niveau du fond de l’affaire, dont j’ai déjà publié mon point de vue dessus, mais je ne puis être de son avis sur bon nombre d’autres points.  
D’emblée, on distingue que le journaliste, fidèle a la ligne éditoriale de cette chaîne, ouvre son émission en mettant la table pour une énième polémique en accusant les chaines concurrentes d’avoir perturbé le cours de l’enquête sans aucun motif légal (?), ce qui est en soi une tromperie et une tentative d’influencer l’auditeur en faussant son jugement.
Pour l'information, les chaines concurrentes ont joué leur rôle en rapportant cette information comme Ennahar aurait fait dans d’autres circonstances s’agissant d’une autre personnalité publique. En suivant le fil d’actualité des autres chaines, je n’ai pu lire des commentaires exagérés, mais juste une lecture de la mise sous mandat de dépôt.
Il est à rappeler au présentateur que la chaîne pour laquelle il travaille, et lui-même ont usé de méthodes mesquines et contre toute déontologie du métier lors de la cabale menée contre respectivement Monsieur Kamal Bouakkez, Fodhil Dob, et Adlene Mellah dans l’affaire d’Amir DZ. On se rappelle comment, avant même le début de l’instruction, lui et ses collègues ont passé en boucle les images de ces personnalités en boucle avec des titres les incriminant avant même qu’ils ne soient jugés! On se rappelle que cette dépêche fut dans le fil d’actualités de la chaîne de M. Rahmani pendant presque un mois entier.
 Je salue en passant le discours cet avocat qui malgré les tentatives répétées du présentateur pour le pousser vers un discours biaisé a su garder sa ligne une ligne de conduite pragmatique, tout en défendant son client.
Le premier point abordé est sur la décision de conduire M. Rahmani au palais de justice par la porte principale. Selon l’avocat, la procédure dans de telles circonstances impose la présentation des prévenus par la porte arrière dudit palais par mesure de sécurité. Personnellement, j’abonde dans ce sens dans la mesure ou on a bien constaté que les personnalités publiques mise sous mandat de dépôt ont tous été conduits par la porte arrière des différents palais de justice. Pourquoi déroger à cette règle pour cet homme? Qui a pu prendre cette hasardeuse décision à ce moment précis considérant l’impopularité du mis en cause, et tenant en compte le climat d’extrême tension régnant dans le pays en ce moment, sans parler de la haine que voue la rue à cet homme et à sa chaîne pour les raisons que l’on connait? Pourquoi avoir prit un tel risque qui pouvait mener vers un point de non-retour!
Il est évident que la mise sous mandat de dépôt du patron de cette chaîne fut tout de suite utilisée politiquement par les parties occultes du système. On a usé des mêmes méthodes pour discréditer son image, et par la même, le donner en pâture à la vindicte populaire dans le but d’abaisser les ardeurs de la rue qui maintient la pression pour un changement dans les faits des pratiques du passé. Une façon de détourner l’attention et de donner un gage de confiance à la rue que les choses sont sur le chemin du changement.
Les propos de Maitre Kroutel, pour un homme de loi, sont contradictoires dans le sens ou la chaîne pour laquelle il travaille a usé exactement des mêmes procédés mesquins dans l’affaire de Amir DZ envers les mis en cause, cités ci-haut, pour les discréditer. Pourquoi ne pas avoir dénoncé ce genre de de pratiques à ce moment-là! On comprend que pour garantir la pérennité de son emploi, il ne pouvait émettre la moindre réserve. En sa qualité d’avocat, il aurait dû ne pas s’avancer sur ce chemin dans ce sens pour se garder une certaine crédibilité. Ceci nous ramène à la nécessité d’être un légaliste en tout temps et dans toutes les circonstances, - d’autant plus lorsqu'on est un homme de loi!
Pour ce qui est de la deuxième partie de son intervention a travers laquelle il fustige le chef d’inculpation, on ne peut qu’être d’accord avec lui pour les raisons suivantes :
Selon les premières informations disponibles sur le motif de cette interpellation et mise sous mandat de dépôt, il semblerait que les griefs retenus contre ce dernier sont principalement en relation avec une « infraction à la législation sur le change », « obtention d’indus avantages », « abus de pouvoir », et « détention de comptes bancaires à l’étranger ».
Je trouve bizarre que Monsieur Rahmani ait été convoqué par le procureur juste après avoir perdu son procès contre le gouvernement pour diffamation, - ce qui jetterait le doute sur ledit renouveau de la justice du pays.
Prenons quelques lignes pour analyser les chefs d’accusation retenus contre Monsieur Rahmani. Pour ce qui est du premier chef d’accusation, à savoir « infraction à la législation sur le change », comment peut-on en vouloir à ce monsieur de faire le change sur le Square à Alger pour pouvoir payer le signal du satellite.
Pour l’information, la location d’un faisceau sur le satellite coûte 200 000 dollars par an et une heure d’antenne revient à 1 million de dinars, - ou environ 9 000 euros. A cause de l’inexistence de texte juridique réglementant le paysage audiovisuel, les chaines privées se retrouvent avec un statut ubuesque. Juridiquement la majorité de ces chaines sont officiellement domiciliées dans les pays du Golfe ou en Europe. Bien que basées en Algérie, elles n’ont, techniquement, aucune existence légale. Elles sont de droit des pays du Golf ou des pays Européens, - mêmes si certaines ont un statut dormant. Elles préparent leurs grilles en Algérie mais émettent depuis l’étranger, ce qui leur vaut le surnom péjoratif de "chaînes offshore". Elles sont accréditées, bizarrement, en tant que médias étrangers, avec juste un bureau satellite.
Il faut se rappeler qu’en 2013, les autorités ont accordé à Ennahar, DZ TV, et   Echourouk une autorisation temporaire d’avoir un bureau de représentation en Algérie pour être en mesure d’être informées de l’agenda officiel, et de traiter avec des banques et des annonceurs nationaux, - une façon comme une autre pour bien les contrôler. Comment la justice peut-elle juger cet homme pour le mouvement de l’argent alors que sa chaîne est tolérée par les pouvoirs publics, mais ne peut faire le transfert par la banque d’Algérie? Juger Rahmani serait juger le système qui a laissé ce domaine dans une cacophonie totale à cause du vide juridique.
Pour le deuxième chef d’inculpation, je ne pense pas que le fait d’avoir des affaires autres que le journalisme représente un crime. Si le monsieur a eu la licence pour lancer une affaire de transport ou une agence de voyage, tant qu’il paye ses impôts et qu’il respecte les lois de la république, je ne vois pas où est le mal.
On est tous d’accord que Monsieur Rahmani n’a jamais été dans un poste officiel. Lui coller le grief d’« abus de pouvoir » est une mascarade qui ne fait que renforcer que la justice est toujours dans ses vieilles habitudes.
Finalement, on lui reproche d’avoir des comptes bancaires à l’étranger. Quelle est la loi qui interdit à un citoyen d’avoir un compte bancaire à l’étranger? Il faudrait que quelqu’un informe les brigades financières et les magistrats que 99 % des transitaires, commissionnaires en douanes, et autres hommes d’affaires Algériens ont des comptes à l’étranger. Pourquoi ce fait représente un acte contraire à la législation quand c’est cet homme!  Dans ce cas, il faut emprisonner tous les hommes d’affaires! Pour rappel, et comme il est cité par l’avocat, certaines chaines privées qui font partie des bouquets, reçoivent des ristournes et ipso-facto avoir un compte bancaire a l’étranger est essentiel pour leurs transactions.  
Pourquoi le patron d’Ennahar, bien qu’au courant du vide juridique entourant la réglementation de l’audio-visuel à accepter de se lancer dans cette entreprise. Selon les informations disponibles, bien entendu à prendre avec réserves, pour il fut le seul à avoir des facilités pour des prêts énormes pour l’ouverture des locaux à Alger?
Maintenant, puisque Monsieur Rahmani a cautionné les pratiques du système, malgré le vide juridique, qui consiste a laisser des zones grises dans la réglementation de la profession pour bien contrôler et surtout pour utiliser ces plates-formes comme relais a leurs politiques, en acceptant de lancer cette chaîne, il doit en assumer les conséquences des pratiques dont lui en particulier, à travers la ligne éditoriale qu’il a imposé à  sa chaîne, a  fait la promotion et défendu pour le compte des anciennes figures du système!
En conclusion, cette réflexion n’est en aucun cas un plaidoyer en faveur de Monsieur Rahmani, mais un constat ou une intime conviction à la lumière des informations disponibles qu’il reste du chemin à la justice Algérienne pour se libérer. Ce type de cabale n’est pas ce que le peuple qui s’est révolté le 22 février voudrait. Si l’on juge Rahmani pour avoir été proche de certains cercles du pouvoir a une certaine époque, il faudrait, dans ce cas, juger 98% du peuple algérien qui a défaut d’avoir été responsable du chaos fut partie prenante dans la faillite du pays par son silence durant une quinzaine d’années sur la gestion du pays.

Par Salah Eddine Chenini

  

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