vendredi 14 février 2020


Arrestation de Anis Rahmani: Chute programmée d'un relais du système Bouteflika, ou simple cabale de la justice Algérienne? 



Après une éclipse de quelques mois, le sulfureux patron du groupe de médias privé Algérien d’Ennahar, Anis Rahmani, vient de faire la une de la presse Algérienne. C’est sans doute l’information qui aura enflammé la toile et dont toute la presse Algérienne n’a pas manqué. En effet, Monsieur Rahmani après avoir été entendu par la Gendarmerie Nationale, il fut mis sous mandat de dépôt par le procureur de la République tard dans la soirée de mercredi.
Comme tous les Algériens, j’ai suivi la réaction de la population, mais surtout la couverture due l’évènement par la presse nationale et la façon dont certaines chaines, du moins certains journalistes ont voulu orienter l’opinion publique vers une direction bien précise quant au sentiment envers cette nouvelle.
Certains journalistes, malgré qu’ils n’aient cessé de dénoncer les pratiques malhonnêtes et en contradiction avec la déontologie du métier pratiquées par Ennahar durant des années, se sont lancé la tête première dans les mêmes pratiques en essayant de faire le procès du prévenu avant même le début de son procès.
Ce qu’il ressort est la majorité de mes compatriotes sont encore facilement manipulables par certains organes de presse qui ont une dent contre ce groupe en général et son patron en particulier.
Il faut apprendre à faire la part des choses dans de telles situations : Bien que tous les Algériens s’accordent sur le fait que Monsieur Rahmani fut pendant des années le relai principal de la bande de l’ancien système en matière de propagande, il ne faut surtout pas que la justice Algérienne tombe amorce une chasse aux sorcières pour s’acheter une virginité, et un semblant de réforme.
Bien que Monsieur Rahmani ait péché pendant depuis la création de son groupe en imposant une ligne éditoriale basée sur la diffamation et autres méfaits, il reste un citoyen et un prévenu innocent tant que sa culpabilité n’aura pas été prouvée dans un tribunal par un procès équitable, et non pas sur la place publique.
Loin de vouloir être l’avocat de ce Monsieur, mais si l’on aspire à l’avènement d’un pays de droit dans lequel la justice est juste, aveugle, et surtout indépendante, il faut que ce genre de cinéma s’arrête.
Selon les premières informations disponibles sur le motif de cette interpellation et mise sous mandat de dépôt, il semblerait que les griefs retenus contre ce dernier sont principalement en relation avec une « infraction à la législation sur le change », « obtention d’indus avantages », « abus de pouvoir », et « détention de comptes bancaires à l’étranger ».

Je trouve bizarre que Monsieur Rahmani ait été convoqué par le procureur juste après avoir perdu son procès contre le gouvernement pour diffamation, - ce qui jetterait le doute sur ledit renouveau de la justice du pays.
Prenons quelques lignes pour analyser les chefs d’accusation retenus contre Monsieur Rahmani. Pour ce qui est du premier chef d’accusation, à savoir « infraction à la législation sur le change », comment peut-on en vouloir à ce monsieur de faire le change sur le Square à Alger pour pouvoir payer le signal du satellite.
Pour l’information, la location d’un faisceau sur le satellite coûte 200 000 dollars par an et une heure d’antenne revient à 1 million de dinars, - ou environ 9 000 euros. A cause de l’inexistence de texte juridique réglementant le paysage audiovisuel, les chaines privées se retrouvent avec un statut ubuesque. Juridiquement la majorité de ces chaines sont officiellement domiciliées dans les pays du Golfe ou en Europe. Bien que basées en Algérie, elles n’ont, techniquement, aucune existence légale. Elles sont de droit des pays du Golf ou des pays Européens, - mêmes si certaines ont un statut dormant. Elles préparent leurs grilles en Algérie mais émettent depuis l’étranger, ce qui leur vaut le surnom péjoratif de "chaînes offshore". Elles sont accréditées, bizarrement, en tant que médias étrangers.
Il faut se rappeler qu’en 2013, les autorités ont accordé à Ennahar, DZ TV, et   Echourouk une autorisation temporaire d’avoir un bureau de représentation en Algérie pour être en mesure d’être informées de l’agenda officiel, et de traiter avec des banques et des annonceurs nationaux, - une façon comme une autre pour bien les contrôler. Comment la justice peut-elle juger cet homme pour le mouvement de l’argent alors que sa chaîne est tolérée par les pouvoirs publics, mais ne peut faire le transfert par la banque d’Algérie? Juger Rahmani serait juger le système qui a laissé ce domaine dans une cacophonie totale a cause du vide juridique.
Pour le deuxième chef d’inculpation, je ne pense pas que le fait d’avoir des affaires autres que le journalisme représente un crime. Si le monsieur a eu la licence pour lancer une affaire de transport ou une agence de voyage, tant qu’il paye ses impôts et qu’il respecte les lois de la république, je ne vois pas où est le mal.
On est tous d’accord que Monsieur Rahmani n’a jamais été dans un poste officiel. Lui coller le grief d’ « abus de pouvoir » est une mascarade qui ne fait que renforcer que la justice est toujours dans ses vieilles habitudes.
Finalement, on lui reproche d’avoir des comptes bancaires à l’étranger. Quelle est la loi qui interdit à un citoyen d’avoir un compte bancaire à l’étranger? Il faudrait que quelqu’un informe les brigades financières et les magistrats que 99 % des transitaires, commissionnaires en douanes, et autres hommes d’affaires Algériens ont des comptes a l’étranger. Pourquoi ce fait représente un acte contraire à la législation quand c’est cet homme!  Dans ce cas, il faut emprisonner tous les hommes d’affaires!
En conclusion, ce coup de gueule n’est en aucun cas un plaidoyer en faveur de Monsieur Rahmani, mais un constat ou une intime conviction a la lumière des informations disponibles qu’il reste du chemin a la justice Algérienne pour se libérer. Ce type de cabale n’est pas ce que le peuple qui s’est révolté le 22 février voudrait. Si l’on juge Rahmani pour avoir été proche de certains cercles du pouvoir a une certaine époque, il faudrait, dans ce cas, juger 98% du peuple algérien qui a défaut d’avoir été responsable du chaos fut partie prenante dans la faillite du pays par son silence durant une quinzaine d’années sur la gestion du pays.


Par Salah Eddine Chenini 


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