dimanche 21 juin 2020





Procès Ouyehia : Fin tragique d’un crack de la politique!



Le cas de Si Ahmed Ouyehia est une tragédie Grecque au sens propre du terme. N'en déplaise à certains, et là je ne m'attends vraiment pas à une compréhension de tous les participants à ce fil d'actualité tout en respectant tous les avis et les commentaires, je maintiens à dire que son parcours est un gâchis avéré; c’est l’un des hommes politiques que l’Algérie a enfanté dont la notion de « technocrate » semble avoir été créée pour son profil. Comment un homme d’état avec un tel parcours et une telle intelligence a pu se laisser embarquer dans la gabegie d’un certain Abdelaziz Bouteflika qui l’a mené à sa perte.

Pour ceux qui suivent mes publications, dès l’annonce du retour de Bouteflika aux affaires dans un contexte des plus dramatiques dans l’histoire de l’Algérie moderne, j’ai toujours dit et maintenu que cet homme ne pouvait être sincère, sinon comment expliquer que quelqu’un puisse assumer la responsabilité d’une situation de chaos dont les conséquences, à ce moment-là, pouvaient mener à l’effondrement de l’état- nation tout bonnement. J’ai toujours cru, à tort ou à raison, que les raisons qui ont amenés l’ex-président Bouteflika à revenir aux affaires, après une traversée du désert de 20 ans, ne pouvaient qu’être motivées par un égo morbide et un besoin quasi vital de se venger d’un peuple dont il a une haine viscérale et insatiable.

Essayer de comprendre, à notre humble niveau, le cas « Bouteflika » pourrait nous donner un semblant de réponse sur l’aboutissement de la carrière d’un des hommes politiques les plus brillants de sa génération et, sans doute, dans l’histoire de ce pays, qui malgré toute son intelligence, clairvoyance, et machiavélisme s’est laissé embarquer dans une spirale de mensonge d’état,- aveuglé par le Momentum d’une ascension fulgurante, et par l’assurance de la pérennité d’un « clan » au pouvoir assurant l’impunité à toute épreuve.

Le point de non-retour dans la carrière de Si Ouyehia fut, sans aucun doute, la période 2013-2014 au moment où il fut mis au placard durant une année juste après avoir révélé ses ambitions présidentielles, - avant même la fin du deuxième mandat de Bouteflika. Accepter de d’occuper le poste de secrétaire général de la présidence fut un guet-apens dans lequel Bouteflika lui a tendu, et dans lequel il s’est engouffré sciemment. Son rappel pour un poste à la présidence, à mon humble avis, n’était qu’un stratagème pour l’avoir sous la main, et réduire sa marge de manœuvre, concrétisant l’adage qui dit d’être proche de ses amis, et encore plus proche de ses ennemis, - dixit Francis Ford Coppola. En acceptant le poste en question, Ouyehia se savait piégé, mais quelles étaient les raisons qui ont fait qu’il accepte de se marcher vers ce piège, lui un fin tacticien.

Les révélations, et autres indiscrétions, des transcriptions des audiences font état de malversations, et par-dessus tout, de sommes faramineuses dans l’un de ses comptes bancaires, de l’ordre de 30 milliards de centimes, dont il ignorait l’existence, tout en étant  incapable de justicier l’origine : Pour un homme doté d’une mémoire photographique qui donnait, devant le parlement et les organes de presse, les chiffres des différents secteurs de l’état de mémoire et sans l’aide d’un quelconque support.


Le stratagème de Bouteflika avec lequel il piégeât bon nombre de hauts commis de l’état dont certains se retrouvent derrière les barreaux est en fait vieux comme le monde : Le célèbre journaliste Gilles Perrault dans son fameux livre ‘’ Notre ami le roi ‘’ (1) révélait que feu Hassan II, le défunt roi du Maroc, lui a déclaré, lors d’un entretien, qu’il nommait expressément des ministres qu’il savait corrompus qu’ils maintenait en poste ce qu’il lui assurait leur totale fidélité, et une loyauté aveugle.



Bouteflika a usé du même artifice en nommant des ministres corrompus dont le seul critère n’était que la loyauté à sa personne au dépend de toute autre considération. En vingt années de règne, a ‘’utilisé’’ les mêmes ministres en alternant leur ministère respectif. Une fois dans le rouage, ils étaient pris au piège : La seule alternative qui leur restait était de cautionner toute gabegie tout en se sucrant au passage.
Qu’est-il reproché à Monsieur Ouyehia dans l’un des innombrables procès? Le titre majeur est sans doute la corruption! Dès le deuxième mandat de Bouteflika, on a assisté à l’initialisation de la corruption à tous les niveaux de l’état, et surtout à son sommet.   





On entend dire que la défense de Monsieur Ouyehia se base sur des considérations de procédures judiciaires quant à la compétence de la cour de Sidi M’Hamed de juger les mis en cause, mais surtout et avant tout sur la nature du système politique. En effet, la défense de M. Ouyehia, comme celle de M. Sellal d’ailleurs, évoque le fait que leur client respectif occupait le poste de chef de gouvernement dans un système présidentiel dans lequel toutes les décisions émanaient de la personne du président dont les désirs étaient des ordres. Nonobstant leur responsabilité politique, cet argument ne peut représenter un quitus car ils pouvaient se retirer en remettant leur démission, - comme fut le cas pour certains ministres lors du premier et deuxième mandat. Lors de leurs auditions, il a été reporté que les accusés s’accordaient à dire qu’ils ne pouvaient « démissionner » car en réalité les affaires dont ils étaient impliqués les a piégés à tel point que « démission » voulait dire poursuites judiciaires et accusations automatiques.  



Les accusés, lors de leurs auditions, s’accordaient à dire que je cite « …SOUS LE RÈGNE DE BOUTEFLIKA, IL N’Y AVAIT NI POUVOIR JUDICIAIRE NI POUVOIR LÉGISLATIF. LE SEUL POUVOIR EXISTANT ÉTAIT CELUI DU PRÉSIDENT… », ce que tout Algérien en âge de comprendre savait, mais pourquoi ne pas avoir claqué la porte pour se démarquer des pratiques des « cercles occultes » dont tous les accusés font référence. Comment un Sellal peut déclarer qu’il ne faisait qu’appliquer les directives du président.


Les déclarations des anciens chefs du gouvernement nous ramènent à la question de la responsabilité politique des accusés et surtout le statut, dans ce processus, de celui qui reste le premier politique de la situation actuelle à sa voir Monsieur Abdelaziz Bouteflika. Même si son état de santé n’est plus à présenter, il devrait faire face à la justice même à titre symbolique pour marquer un changement des pratiques, et pour que ça serve de jurisprudence pour l’avenir.



On s’entend que légalement, seule la Haute Cour de l’État est habilitée à juger un président de la République. Or, cette juridiction spéciale — dont la mise en place est prévue par la loi organique annoncée dans l’article 177 de la Constitution et qui a pour mission de « déterminer » les actes de « hautes trahison » et « des crimes et délits » commis par le chef de l’État ou le Premier ministre dans l’exercice de leur fonction — n’a d’exitance que de façon théorique.


Il semble que les raisons d’ordre politique font que l’ancien chef de l’état soit épargné par le cours de la justice sinon comment expliquer que l’on juge des chefs de gouvernement qui ne faisaient qu’appliquer le programme du président, tout en gardant à l’esprit que c’est le président qui les a nommés. Même si l’état de santé de l’ancien président de la République ne lui permet pas de se défendre, sa convocation est obligatoire en tant que premier responsable de la destruction morale, et économique du pays.



On a tendance à oublier que le programme de Monsieur Bouteflika dont Messieurs Ouyehia et Sellal se sont attelés à appliquer fut voté à l’Assemblée Nationale par les députés du peuple qui endossent, à leur tour, la responsabilité historique de la décadence morale, et du chaos économique et financier du pays. Ils sont partie prenante dans la situation actuelle du pays car ils ont donné un cadre légal à un programme de dilapidations des deniers publiques. Certes, ils ne peuvent se dédouaner en évoquant le seul fait qu’ils n’étaient que simples exécutants car ils avaient le choix et la liberté de démissionner pour se démarquer de cette politique destructive.


Comment les deux ex-chefs du gouvernement peuvent-ils dirent qu’ils n’avaient aucune responsabilité dans l’attribution des marchés, de l’automobile en particulier, alors que du fait de leur poste ils occupaient le rôle de chef du CNI, - Conseil National d’Investissement. Pour rappel, Le CNI est placé sous l’autorité du Chef du Gouvernement qui en assure la présidence. Ses travaux sont sanctionnés par des décisions, des avis et des recommandations. En 2006, il y a eu un redéploiement institutionnel qui a renforcé le CNI dans son rôle stratégique. L’action de ce conseil s’exerce, depuis, en matière de décisions stratégiques relatives à l’investissement et en matière d’examen des dossiers d’investissements présentant un intérêt pour l’économie nationale.


En guise de conclusion, je pense que si l’on veuille être juste et légaliste, les deux mis en cause, Messieurs Ouyehia et Sellal, ne devraient en aucun cas être des boucs émissaires, malgré leur responsabilité avérées, car le chaos économique et financier de la politique des vingt dernières années incombe aux ministres de tutelles, aux chefs de départements, aux chefs de projets de ces ministères, aux députés, à travers leur chefs de blocs parlementaires, et ipso-facto tout ce beau monde devrait être convoqué par la justice. Les griefs retenus contre les « investisseurs » devraient se limiter à la problématique de la TVA dans le sens ou ils furent exemptés de cette taxe alors que lors de la vente ils la chargée aux consommateurs pour l’empocher. Ils peuvent être jugés pour d’autres entraves à la législation, mais qu’on ne les jette pas en pâture juste pour donner l’illusion d’une nouvelle justice. Pourquoi les inculper d’avoir profité d’une politique absurde et de textes de lois à leur avantage, - advenant que l’on ne parle pas de corruption ou tentative de corruption de leur part.

Salah Eddine Chenini



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