Tentative d’autopsie de « Algérie mon amour » de TV5
Le reportage diffusé sur TV5 semble être le sujet du jour ces derniers
jours sur la scène médiatique nationale alors que le pays fait face a une
situation des plus critiques sur le plan économique et social sur fond de pandémie.
Le reportage en question fut loin de répondre aux attentes considérant
toute la promotion qui l’a précédée l’annonçant comme un évènement inédit qui
allait lever le voile sur un évènement extraordinaire que fut le mouvement du
22 février. Le résultat fut en deca des attentes, et décava plus d’un quant a
la pertinence du contenu : A défaut de générer un débat sur le sujet du
reportage, ce fut le reportage en tant que tel qui devint le sujet des
discussions sur les réseaux sociaux, et la matière première prisée par
certaines chaines spécialisées nationales et internationales, - une chaine en
particulier dont le statut de chaine d’opposition n’est plus à présenter.
Le reportage en question, bien considéré par les uns comme un flop médiatique,
et une réussite confirmée par les autres, aura été un succès avéré en titillant
la sensibilité de beaucoup de gens soulevant les passions de la grande majorité
des algériens, et en donnant de la matière a certains organes de médias en
perte de vitesse, et en quête d’un rachat aux yeux des nouveaux hommes forts du
moment. Il aura lancé au système une perche pour détourner l’attention des
masses des problèmes latents dans lesquels le citoyen moyen de débat pour
assurer sa pitance quotidienne, alors que ces memes pouvoirs publics semblent piétiner
à trouver des mécanismes et solutions pour répondre aux besoins vitaux des
couches les plus défavorisées qui restent les premiers touchés de plein fouet
par l’état de confinement imposé par la pandémie. La majorité des intervenants
sur les réseaux sociaux semblent passer à cote d’une nuance que les mass médias
connaissent du fait de leur formation académique et dont personne n’a eu l’honnêteté
de clarifier à savoir la nuance entre reportage télévisuel et le film documentaire,
- dans le cas actuel, c’est le format de témoignage.
Le reportage en question advenant que son but ultime était de discréditer
les nouveaux hommes forts du moment, n’a fait que servir leurs intérêts en leur
servant sur un plateau en argent le sujet de prédilection du systeme pour occuper les administrés
et détourner leur attention des problèmes qui rongent le pays en cette période.
On ne cesse de lire et d’entendre la fameuse formule de la main étrangère et du
complot contre le pays dont le dosage s’est accentué à la suite de la diffusion
du reportage en question. Il est à rappeler que c'est ce pouvoir qui octroya un visa pour le journalsite afin qu'il réalise son" oeuvre".
On entend et on lit des interprétations diverses sur le réalisateur dont
certains ont voulu réduire à un journaliste de second plan et un opportuniste
qui a vu dans le mouvement du « Hirak » une occasion en or pour se
faire une hora publicitaire et lancer son image. Or il se trouve que Monsieur
Mustapha Kessous, puisque c’et de lui qu’il s’agit, est un journaliste employé
par un quotidien, le Monde, de renommée internationale, et qui collabore avec
des chaine radio tel RTL et des chaines de télévisions.
Le rôle de l’organe d’information officiel du pays, AFP, qui contraire à
son habitude se lança de suite dans le traitement de la diffusion en publiant,
d’un seul coup, trois communiqués dénonçant
le produit, donnant le feu vert à certaines chaines privées de surfer sur la
vague en émettant des diatribes quotidiennes à l’encontre du réalisateur et des
intervenants dans son reportage,- en les présentant comme à la solde de
certains cercles avec des agendas perfides contre le pays et ses intérêts.
Le produit en tant que tel s’est imposé une faiblesse flagrante en limitant
les interventions d’une frange de la société à travers le témoignage d’un
groupe de jeunes d’une certaine classe sociale ce qui ne peut être représentatif
de toute la société Algérienne, et encore moins des acteurs réels du Hirak,-
qui reste l'oeuvre de toutes les classes de la socièté sans distinction de sexe et encore moins d'age ou de niveau académique.
Ce que l’on retiendra des réactions n’est pas le fait que le reportage ait prit
cinq jeunes d’une certaine classe sociale au lieu d’inclure les autres acteurs
du Hirak, mais Hystérie faite autours du portait de ces cinq jeunes : On est
plus dans le déni d’un mode de vie pourtant côtoyé par tous ceux qui le
critique et le manque d’objectivité choisie par le réalisateur. On
constate qu’une brèche est ouverte dans le mouvement dans le sens ou après
avoir joué sur la fibre régionaliste, on verra, surement, la stigmatisation de toute
personne qui ne cadre pas avec le standard social voulu par certains. Les cinq
jeunes, selon les dernières informations rapportées, sont déjà victimes d’intimidations,
pressions, et même menace de mort pour avoir été naïfs, voir crédules. Alors
que la société s’enfonce dans cette hystérie, le pouvoir se délecte en servant
au peuple son hypocrisie habituelle. En effet, on entend dans les bulletins d’information
que le ministère des affaires étrangères a rappelé son ambassadeur en France pour
« consultations » : Quelles consultations ? Si réellement
ce pas n’était pas de la poudre aux yeux, pourquoi ne pas avoir convoqué l’ambassadeur
de ce pays en Algérie pour demander des explications ! On sait tous que la
France officielle ne peut intervenir dans le travail des médias pour cause du
principe de liberté d’expression.
Pourquoi l’Algérie semble être offusquée par le reportage allant jusqu’à rappeler
son ambassadeur pour des consultations ? Telle est la question que tout Algérien
doit se poser au-delà des déclarations farfelues de cinq jeunes gens. Par définition, un reportage télévisuel est un
enchaînement d’images qui remplace l’inflation verbale du commentateur pour orienter
le regard du spectateur, non pour saisir le sens des images, mais agripper son
ouïe par le commentaire. Autant que le documentaire,
le reportage filmé est guidé par le choix d'un « angle »,
c'est-à-dire d'un point de vue subjectif qui servira de
fil conducteur. Sa mission n'est pas de développer une problématique mais
plutôt d'apporter un éclairage complémentaire à une information d'actualité. Peu
importe si c’est un reportage ou un documentaire, selon la forme et le contenu
de l’un et de l’autre selon les standards cinématographiques, il en ressort que
le système semble offusqué par les images contenues dans le film au su des
déclarations des instances officielles comme « …attente aux institutions
officielles, attente à l’institution militaire, etc… ».
Un reportage filmé ne peut
prétendre faire œuvre d'objectivité. Le choix de l'angle, des témoins
interrogés, des lieux et des événements filmés constitue déjà un parti pris.
La manière de filmer est aussi un élément subjectif qui révèle la personnalité
et les intentions du journaliste. Or, dans le documentaire en question, l’observateur
avéré aura remarqué les « piques » qui ont soulevé le gourou de l’Algérie
officielle allant jusqu’au rappel de l’ambassadeur.
En revoyant le film loin des passions avec le recul nécessaire, quelques
jours après sa diffusion, ce qui donne plus d’espace à une analyse pragmatique de
toute cette affaire, on se rend compte que ce sont plus les dégâts visuels à l’attention
de l’extérieur que le pouvoir Algérien semble ne pas accepter. J’ai pu, à mon
humble avis relever des images assez troublantes dans le cadrage du réalisateur
dont l’ultime objectif semble, quand même, suspect :
-
- 00’ :46’’ de la time frame : Cadrage d’une banderole sur laquelle on peut lire « Système dégage » avec la photo de Bouteflika, un képi orné d’une tresse de haut gradé, et surtout la photo de l’actuel président. Cet arrêt sur image dans le film est perçu par le pouvoir comme une attente aux institutions de l’état, et une attaque contre l’armée.
-
8’ :15’’ de la time frame : Faire le parallèle entre l’indépendance
de la colonisation avec la quête du mouvement ce qui met les gouvernants dans
la peau de ‘colonisateur’.
-
10’ :59’’ de la time frame : Evocation du rôle de l’armée dans
l’interruption du processus électoral de 1991.
-
37’ :05’’- 38’ :35’’ de la time frame : Cadrage de la dénonciation de la primauté du militaire sur le civil.
-
38’ :38’’ de la time frame : Interdiction du drapeau
identitaire.
-
45’ :37’’ de la time frame : Retour sur les arrestations et la
question des détenus d’opinion.
-
54’ :52’’ de la time frame : Slogan « pouvoir
assassin ».
En conclusion, ce travail n’a fait que resurgir les disputes, des
querelles, et des éternelle polémiques. À travers les réactions des « hirakistes »
qui continuent de s’enfermer dans des cercles vicieux sans fin : Le
pouvoir est accusé de tous les maux, mais ce dernier profite de cette
sécheresse intellectuelle qui provoque une inaction collective afin d’asseoir
son pouvoir en renforçant sa répression. On a vu qu’un produit audiovisuel à
mobilisé la majorité des Algériens qui se sont laissé manipuler par certaines
chaines de télévision concernant un film destiné plus à l’exploitation extérieur
qu’au marché Algérien: On a pu constater que nous avons encore tant a apprendre quant aux détachements par rapport a la manipulation. On doit impérativement évoluer par rapport a notre relation avec les médias.
Ce qu’on a tendance à oublier est que nous tous en essayant de diaboliser
ce journaliste et son « œuvre », on vient de lui rendre un service
inestimable au niveau de la publicité. On doit impérativement apprendre à se
détacher de nos sentiments et apprendre à être plus pragmatique dans le
traitement et la consommation des produits audiovisuels.
Salah Eddine Chenini