dimanche 24 mai 2020






Chams-Eddine: Victime de son charlatanisme (...) ou énième victime des enjeux politiques?




Ennahar vient de renouer avec sa vraie nature en sacrifiant l’un de ses collaborateurs qui lui a, sans aucun doute, permis de booster son audimat durant des années. Certains dirons que ça fait partie de l’environnement de l’audio-visuel, mais n’empêche que les raisons et la manière dont le prédicateur fut débarqué restera une tare dans les annales de cette pseudo chaîne de télévision.

Ce qui est absurde dans cette affaire est que le prédicateur est pénalisé par une chaîne qui essaye de se racheter une virginité aux yeux des pouvoirs publics et de l’ARAV, chaîne dont le passé en matière de ligne de conduite, et autre ligne éditoriale, est loin d’être un modèle,- un passé peu glorieux. Cette chaîne s’efforce de se présenter comme respectueuse des lois et réglementations alors que son statut est loin d’être clair, sans parler du brouillard dans lequel elle fut créée. Le communiqué de la chaîne a essayé de se racheter une conscience en déclarant que la direction de cette chaîne a demandé à son prédicateur vedette de présenter des excuses, chose qu’il a refusé causant, ipso-facto, son limogeage. Des excuses pourquoi et pour qui?  

Le prédicateur est perçu comme une star par certains, un charlatan par d’autres, mais force est de constater que l’homme a un certain style et un certain charisme, et s’est imposé dans l’univers audio-visuel Algérien par ses prêches. Il s’est invité dans les ménages Algériens en faisant le bonheur de centaines de milliers de citoyens qui sollicitaient ses prêches et conseils. L’homme peut agacer par son style qui reste authentique et spécial : Certains trouvent qu’il est arrogant et imbu de sa personne, alors que d’autres voient en lui une bouée de sauvetage à laquelle ils s’accrochent, et une source de réponse à leurs interrogations.

D’emblée, je voudrais préciser, pour éviter tous quiproquo, que je ne suis ni un fervent admirateur et encore moins un adepte de Cheikh Chams Eddine, mais je ne puis que m’insurger sur les circonstances dans lesquelles il fut jeté en pâture par Ennahar afin de peaufiner son image et s’adjuger les faveurs de l’ARAV après six longues années de collaboration durant lesquelles il fut présenté comme une des stars de la chaîne. Ce qui m’importe dans cette affaire, en tant que simple citoyen, est les raisons derrière cette décision qui concerne, au-delà des apparences, tous les Algériens à ce moment précis.

Les raisons évoquées par la chaîne sont une intervention du prédicateur qui n’est pas allé de main morte avec la décision du ministère du culte de garder les mosquées fermées ou en interdisant la prière de l’Aïd dans ces dernières. L’homme est connu pour ses critiques et appels au ministère de tutelle sur divers sujets, ce qui fait de lui un homme qui ne mâche pas ses mots, - un aspect de sa personnalité qui faisaient le buzz sur les réseaux sociaux, et par la même arrangeaient les ‘’ affaires’’ d’Ennahar, - en passant. Ce qui m’importe dans cette affaire est la réaction du ministre du culte qui à travers son intervention télévisée dans laquelle il se laissa aller mettant à nu la nouvelle ligne de conduite des nouveaux hommes forts du moment en matière de liberté individuelle en général, et la liberté d’expression en particulier.

Le prédicateur n’a fait qu’exprimer tout haut ce que la majorité des Algériens pensent tout bas : En effet comment expliquer la multitude de contradiction des plus hautes instances de l’état qui, ces derniers temps, excellent dans l’amateurisme à travers des décision et des contre décisions. La cacophonie régnante atteignit son summum lorsque le gouvernement déclara que le confinement sera maintenu durant les deux jours l’Aïd célébrant la fin du mois sacré. Cette décision fut déboutée en l’espace de vingt-quatre heures par le haut conseil de sécurité (?) qui annonça que le confinement sera levé durant ces deux jours à titre exceptionnel à un moment ou les pouvoirs publics ne cessent de mettre le blâme sur la population qui semble ignorer les directives sanitaires en matière de confinement et distanciations sociales. Ladite décision prit de court certains responsables de tutelles à l’instar du ministre du commerce qui, lors d’une intervention télévisée, déclara qu’il ne fut pas au courant de la décision, et qu’il allait ajuster le programme de son ministère en termes d’astreinte des commerçants durant la période de l’Aïd. Alors les chiffres des personnes nouvellement  infectés, et des décès,  ne cesse de s’allonger, malgré les propos rassurants des pouvoirs publics, on annonce un dé-confinement de deux jours tout en interdisant la prière de l’Aïd : Il y a de quoi  faire sortir le Cheikh de ses gangs!

Le haut conseil de sécurité qui déboute la décision d’un gouvernement est une autre question vitale dont on doit se pencher, et qui annonce une continuité de la primauté du militaire sur le civil dans la gestion du pays à l’heure des grandes déclarations en matière de changement des pratiques du passé et autres évolutions dans la pratique politique.  


Jusqu’à la tout peut sembler normal à l’heure actuelle et dans les circonstances dans lesquelles le pays se trouve, mais ce qui est loin d’être normal est le discours du ministre des affaires religieuses qui fit preuve d’arrogance et de mépris envers tous les Algériens au moment ou son gouvernement ne cesse de promouvoir les changements à venir en misant sur la promotion et le renforcement des libertés, et de la liberté d’expression en particulier. Le ministre en question passa en revue le discours du prédicateur et les raisons du "musellement" commandité du Cheikh en insistant sur le danger de sa prise de position contraire aux directives du conseil des Oulémas de sa tutelle qui semble avoir la parole divine, et ne tolère aucune remise en question, mais ce qui attira mon attention est sans conteste sa phrase ou il dit clairement et sans rougir que toute personne est libre d’exprimer son avis pourvu qu’il garde son avis pour lui.

Cette phrase révèle la nouvelle politique des nouveaux hommes forts du moment pour ce qui est de la liberté d’expression : Tout citoyen est libre de penser ce qu’il lui semble tant qu’il se le garde! Une nouvelle façon d’appliquer le concept de ‘’ liberté d’expression’’ en Algérie. On ne peut passer à travers l’autre phrase du ministre qui sans rougir s’est réservé le monopole du savoir en déclarant que ses instances ‘’…ont le savoir, et le reste du monde ne l’ont pas…Cette déclaration nous renvoie à une période ou la bande de Bouteflika insultait le peuple en le traitant d’ignorant. Tout citoyen a le droit de discuter les décisions de ses décideurs s’agissant de son quotidien, et de la gestion de son pays.

Cheikh Chams Eddine n’a fait qu’exprimer un point de vue sur les contradictions des décideurs du moment. Pourquoi devrait-il être mis au placard pour avoir émis un avis sommes toutes logique : D’une part on interdit la prière, et d’autre on lève le confinement pour deux jours tout en interdisant la circulation des voitures dans les villes et sur routes nationales.

Ce qui est dangereux dans la déclaration du ministre des affaires religieuses reste cette conception de la liberté d’expression qui n’augure rien de bon pour l’avenir. Après avoir criminalisé les publications sur les réseaux sociaux, on invente un nouveau concept de la liberté d’expression en Algérie : On a le plein droit de nous exprimer tant qu’on se garde son opinion pour soi!

En conclusion, cet épisode est le prélude pour des jours sombres pour les citoyens en matière de liberté d’expression. Le système semble avoir des ressources pour innover en inventant des baillons, et en  brimant toute voix qui ose contredire ses décisions ou sa ligne de conduite,- ridicule soit-elle.

Salah Eddine Chenini

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