Chams-Eddine: Victime de son charlatanisme (...) ou énième victime des enjeux politiques?
Ennahar vient de renouer avec sa
vraie nature en sacrifiant l’un de ses collaborateurs qui lui a, sans aucun
doute, permis de booster son audimat durant des années. Certains dirons que ça
fait partie de l’environnement de l’audio-visuel, mais n’empêche que les
raisons et la manière dont le prédicateur fut débarqué restera une tare dans
les annales de cette pseudo chaîne de télévision.
Ce qui est absurde dans cette
affaire est que le prédicateur est pénalisé par une chaîne qui essaye de se
racheter une virginité aux yeux des pouvoirs publics et de l’ARAV, chaîne dont
le passé en matière de ligne de conduite, et autre ligne éditoriale, est loin d’être
un modèle,- un passé peu glorieux. Cette chaîne s’efforce de se présenter comme
respectueuse des lois et réglementations alors que son statut est loin d’être
clair, sans parler du brouillard dans lequel elle fut créée. Le communiqué de
la chaîne a essayé de se racheter une conscience en déclarant que la direction
de cette chaîne a demandé à son prédicateur vedette de présenter des excuses,
chose qu’il a refusé causant, ipso-facto, son limogeage. Des excuses pourquoi
et pour qui?
Le prédicateur est perçu comme
une star par certains, un charlatan par d’autres, mais force est de constater
que l’homme a un certain style et un certain charisme, et s’est imposé dans l’univers
audio-visuel Algérien par ses prêches. Il s’est invité dans les ménages Algériens
en faisant le bonheur de centaines de milliers de citoyens qui sollicitaient
ses prêches et conseils. L’homme peut agacer par son style qui reste
authentique et spécial : Certains trouvent qu’il est arrogant et imbu de
sa personne, alors que d’autres voient en lui une bouée de sauvetage à laquelle
ils s’accrochent, et une source de réponse à leurs interrogations.
D’emblée, je voudrais préciser,
pour éviter tous quiproquo, que je ne suis ni un fervent admirateur et encore
moins un adepte de Cheikh Chams Eddine, mais je ne puis que m’insurger sur les
circonstances dans lesquelles il fut jeté en pâture par Ennahar afin de peaufiner
son image et s’adjuger les faveurs de l’ARAV après six longues années de
collaboration durant lesquelles il fut présenté comme une des stars de la
chaîne. Ce qui m’importe dans cette affaire, en tant que simple citoyen, est
les raisons derrière cette décision qui concerne, au-delà des apparences, tous
les Algériens à ce moment précis.
Les raisons évoquées par la
chaîne sont une intervention du prédicateur qui n’est pas allé de main morte
avec la décision du ministère du culte de garder les mosquées fermées ou en
interdisant la prière de l’Aïd dans ces dernières. L’homme est connu pour ses
critiques et appels au ministère de tutelle sur divers sujets, ce qui fait de
lui un homme qui ne mâche pas ses mots, - un aspect de sa personnalité qui faisaient
le buzz sur les réseaux sociaux, et par la même arrangeaient les ‘’ affaires’’ d’Ennahar,
- en passant. Ce qui m’importe dans cette affaire est la réaction du ministre du
culte qui à travers son intervention télévisée dans laquelle il se laissa aller
mettant à nu la nouvelle ligne de conduite des nouveaux hommes forts du moment
en matière de liberté individuelle en général, et la liberté d’expression en
particulier.
Le prédicateur n’a fait qu’exprimer
tout haut ce que la majorité des Algériens pensent tout bas : En effet
comment expliquer la multitude de contradiction des plus hautes instances de l’état
qui, ces derniers temps, excellent dans l’amateurisme à travers des décision et
des contre décisions. La cacophonie régnante atteignit son summum lorsque le
gouvernement déclara que le confinement sera maintenu durant les deux jours l’Aïd
célébrant la fin du mois sacré. Cette décision fut déboutée en l’espace de vingt-quatre
heures par le haut conseil de sécurité (?) qui annonça que le confinement sera
levé durant ces deux jours à titre exceptionnel à un moment ou les pouvoirs
publics ne cessent de mettre le blâme sur la population qui semble ignorer les
directives sanitaires en matière de confinement et distanciations sociales.
Ladite décision prit de court certains responsables de tutelles à l’instar du
ministre du commerce qui, lors d’une intervention télévisée, déclara qu’il ne
fut pas au courant de la décision, et qu’il allait ajuster le programme de son ministère
en termes d’astreinte des commerçants durant la période de l’Aïd. Alors les
chiffres des personnes nouvellement infectés, et des décès, ne cesse de s’allonger, malgré les propos rassurants
des pouvoirs publics, on annonce un dé-confinement de deux jours tout en
interdisant la prière de l’Aïd : Il y a de quoi faire sortir le Cheikh de ses gangs!
Le haut conseil de sécurité qui déboute
la décision d’un gouvernement est une autre question vitale dont on doit se
pencher, et qui annonce une continuité de la primauté du militaire sur le civil
dans la gestion du pays à l’heure des grandes déclarations en matière de
changement des pratiques du passé et autres évolutions dans la pratique
politique.
Jusqu’à la tout peut sembler
normal à l’heure actuelle et dans les circonstances dans lesquelles le pays se
trouve, mais ce qui est loin d’être normal est le discours du ministre des
affaires religieuses qui fit preuve d’arrogance et de mépris envers tous les Algériens
au moment ou son gouvernement ne cesse de promouvoir les changements à venir en
misant sur la promotion et le renforcement des libertés, et de la liberté d’expression
en particulier. Le ministre en question passa en revue le discours du
prédicateur et les raisons du "musellement" commandité du Cheikh en insistant sur le danger de sa prise de position contraire aux directives du conseil des Oulémas de sa tutelle qui semble avoir la parole divine, et ne tolère aucune remise en question, mais ce qui attira mon attention est sans conteste sa phrase ou il
dit clairement et sans rougir que toute personne est libre d’exprimer son avis
pourvu qu’il garde son avis pour lui.
Cheikh Chams Eddine n’a fait qu’exprimer
un point de vue sur les contradictions des décideurs du moment. Pourquoi
devrait-il être mis au placard pour avoir émis un avis sommes toutes logique :
D’une part on interdit la prière, et d’autre on lève le confinement pour deux
jours tout en interdisant la circulation des voitures dans les villes et sur
routes nationales.
Ce qui est dangereux dans la déclaration
du ministre des affaires religieuses reste cette conception de la liberté d’expression
qui n’augure rien de bon pour l’avenir. Après avoir criminalisé les publications
sur les réseaux sociaux, on invente un nouveau concept de la liberté d’expression
en Algérie : On a le plein droit de nous exprimer tant qu’on se garde son opinion
pour soi!
En conclusion, cet épisode est le
prélude pour des jours sombres pour les citoyens en matière de liberté d’expression.
Le système semble avoir des ressources pour innover en inventant des baillons, et en brimant toute voix qui
ose contredire ses décisions ou sa ligne de conduite,- ridicule soit-elle.
Salah Eddine Chenini
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