vendredi 6 mars 2020




Hourak an I: Parcours & perspectives



Pour comprendre le mouvement du 22 février, il faut revenir aux événements qui ont précédé ce phénomène, et surtout se poser des questions sur les mécanismes et la genèse de ce soulèvement pacifique.
On doit s’entendre que cette publication, qui n’engage que votre serviteur n’a aucune prétention ni objectif politique ou personnel ; c’est juste un essai de la part d’un simple citoyen de l’extérieur qui observe, lis, recoupe, et essaye d’analyser à la lumière des données disponibles tout en essayant d’être le plus pragmatique possible.
D’emblée, je ne puis m’empêcher de souligner que cette publication s’adresse à une certaine catégorie de mes concitoyens qui ont une certaine culture politique et historique, et dont l’ouverture d’esprit est acquise. Le but est d’échanger, et de s’instruire les uns les autres loin de tout sentimentalisme et surtout affiliation partisane et autre tendance politique. Pour être en mesure d’analyser en toute objectivité et pragmatisme, il est primordial de se détacher de toute forme de sentimentalisme, et s’imprégner de la neutralité nécessaire afin de garantir notre objectivité.
Des le départ de ce mouvement, je me suis posé des questions sur la nature même de ce phénomène : Je n’ai pu m’empêcher de faire l’analogie avec d’autres soulèvements que le pays a vécu au cours de son histoire. Pour les initiés à la politique, il est évident que chaque événement ne peut être fortuit ou le résultat d’une action spontanée, - surtout dans des pays du tiers monde. Il est primordial de comprendre que chaque événement s’inscrit dans une logique de causes à effets. L’Algérie reste un mystère en matière de gestion car plusieurs paradigmes politiques se succèdent à intervalles donnés.
Revenons un peu en arrière pour dresser le tableau de la situation précédant l’avènement du mouvement du 22 février. On doit avoir la sobriété et le pragmatisme nécessaire pour admettre que l’Algérie s’acheminait doucement mais surement vers un 5 eme mandat. Tous les Algériens semblaient résignés au fait accompli malgré l’impotence du président sortant. La rue était soumise, désintéressée, complètement détachée de la chose politique. Malgré une atmosphère délétère, toute la classe politique s’accordait, hormis quelques partis tel le F.F.S, et quelques figures de l’opposition, sur un consensus tacite pour maintenir le statut quo, en donnant un quitus à Bouteflika pour un énième mandat. Posons-nous la question sur les catalyseurs qui ont changé la donne, et surtout qui a ont pu mettre des centaines de milliers de citoyens dans la rue.
On a tendance à oublier que la rue fut prise d’assaut par les étudiants en médecine bien avant le 22 février pour réclamer le retrait de décisions du ministre Hadjar. En réalité, les étudiants en médecine furent en grèves répétées et manifestations continues depuis 2015.
Pour ce qui de la contestation populaire pour le rejet du 5eme mandat, on doit se rappeler qu’une première tentative de manifestation se révéla non concluante en décembre 2018 à Bab El Oued. Après cet épisode, il y a eu l’acte héroïque d’un certain Hadj Ghermoul  et Redouane Kada qui, en janvier 2019 à Tizi Ouzou, manifestèrent seul en brandissant la fameuse pancarte dénonçant le 5 eme mandat  ,- et qui furent par la suite condamnés à 6 mois de prison. On reviendra en détails sur la chute des Bouteflika ultérieurement.
La mobilisation de toute cette masse ne peut être le résultat d’une action spontanée. La manipulation des service secrets, j’en suis convaincu, y est pour quelque chose. Je suis certain aussi que, comme pour certains évènements antérieurs, les mêmes services ont initié ce mouvement pour en perdre le contrôle par la suite. On a vu que l’élément catalyseur fut la fameuse conversation téléphonique entre Sellal et Hadad durant laquelle les deux comparses évoquaient clairement et distinctement le recours aux milices armées pour mater toute contestation envers l’avènement du 5eme mandat. Avant cet épisode, il y a eu le fameux discours de Ould Abass a travers lequel il narguait le peuple Algérien en le mettant devant le fait accompli promettant la pérennité du F.L.N et de son président pour les cent prochaines années. La question qui doit être posée est la suivante : Qui a fait « fuiter » le fameux enregistrement sonore de la discussion téléphonique entre Sellal et Haddad ? Pourquoi cette fuite à ce moment-là ? Cette exploration sera développée ultérieurement.
Maintenant pour ce qui est du Harak, il faut savoir que n’importe quel mouvement s’il n’est pas structuré ne pourra perdurer dans le temps. Nous avons assisté à l’émergence de figures qui dans un passé pas lointain furent les pions du système. Le mouvement a péché des le départ par orgueil : On avait des figures comme Monsieur Tabbou, pour ne citer que cette personnalité, qui remplit toutes les conditions pour être le porte-parole du peuple, - son incarcération est une preuve que son poids et son charisme font peur au système.
Il faut se rendre à l’évidence que le système qui a perduré pendant plus de 50 ans ne peut être éradiqué en deux ans. Bizarrement que ça puisse paraitre, M. Tebboune est en train d’opérer des changements car il a toute l’intelligence pour savoir qu’une nouvelle ère doit commencer. Il est évident qu’il fait face a une fronde de la part des caciques du système. Il faut se rendre à l’évidence que les revendications radicales de la rue ne seront jamais réalisées.
Ce que je préconise est d’aller vers la table de la discussion pour arriver à un consensus qui sortira le pays du marasme actuel. Ce qu’on doit comprendre est que les dégâts de la gestion des différents gouvernements de la politique de Bouteflika se fait déjà sentir sur le plan économique. L’année prochaine et surtout 2022 verront, a moins d’un miracle au niveau des recettes du pays, une crise économique et financière qui va renvoyer le pays vers la nécessite de l’emprunt étranger.
Il est vital pour ce mouvement de faire sortir des représentants qui ont les capacités pour établir une feuille de route réaliste et réalisable afin de discuter avec le système. Continuer à manifester en brandissant des slogans reste loin d’être productif, et finira par atteindre la lassitude. Il faut apprendre à déléguer et faire confiance a ceux en qui nous confions nos voix. Il faut apprendre à faire des concessions, et à travailler par étapes pour arriver à des résultats. Il faut apprendre à agir avec stratégie, et sur un échéancier à court, moyen, et long terme. Il faut éviter a tous prix le populisme, et surtout être vigilent quant aux manipulations. Le mouvement du 22 février fut chanceux d’émerger à un moment ou les l’élite dirigeante se déchirait sans merci. Il faut capitaliser sur cette nouvelle ère pour aller vers un changement total et profond du système de gouvernance.

Par Salah Eddine Chenini






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