mardi 14 juillet 2020




 Tahkout, médias, et COVID-19 en trame de fond  


La scène politique, économique, financière, et sanitaire fut tellement riche ces dernières semaines que les mass-médias n’ont pas eu à chômer, mais la façon dont ils ont traité lesdits événements est loin de faire honneur à la profession et au serment d’honnêteté, d’objectivité, et de professionnalisme qui régit leur métier.

En passant en revue la presse nationale qu’elle soit écrite ou audio-visuelle, on ne peut que constater avec consternation la dégradation de la qualité du journalisme en Algérie dont le ridicule est, désormais, la marque de fabrique de la majorité des journalistes dont la régression manifeste est irréversible. Rétrospectivement, la génération qui a vécu l’après Octobre 88 et le vent de liberté qui a soufflé sur le champ médiatique national et l’émergence d’un journalisme de qualité, assiste au déclin du travail colossal dont les pionniers tels Said Mekbel, Mohamed Benchicou, Tahar Djaout, ou encore Mme. Tlemcani, fodil Boumala, sans oublier certains éléments de la nouvelle génération à l’instar de Kada Benamar ont accompli sur la qualité et surtout l’objectivité dans leur mission de colporter et surtout analyser le fait politique. Aujourd’hui après vingt ans de « Bouteflekisme », pour reprendre la formule d’un certain Tliba, le journalisme de qualité semble disparu laissant place à des suppôts du pouvoir. La nouvelle ligne éditoriale de presque tous les médias en place s’apparente à la promotion du dogme sous toutes ses formes; les JT s’apparentent à des tribunes partisanes à travers lesquelles tout ce qui émane du pouvoir est salué, glorifié, et répandu à grande échelle sans discussion peu importe la teneur et l’efficacité des politiques mise en place, et des décisions prises.  La ligne éditoriale est un éternel rituel dans lequel les « journalistes » s’efforcent à démontrer lequel excelle dans les caresses dans le sens du poil pour s'adjuger les éloges du nouveau prince et, par la même, s’assurer le satisfecit des hommes forts du moment.  

Fidèle à sa ligne de conduite, le quotidien El Khabar, dans son édition du 9 juillet 2020, publie en première page un titre des plus farfelus amplifiant le réquisitoire du procureur de la république et les peines infligées aux accusés pour participer à ce simulacre du renouveau de la justice.

La saga judiciaire se poursuit avec le même tableau pitoyable d’une justice qui se donne en spectacle relayé par une presse aux ordres à travers une désorientation de l’opinion publique, amplification des faits, distorsion de la vérité, et un acharnement à la limite du thérapeutique dans l’objectif n’est autre que d’imposer une vision biaisée, taillée sur mesure et à la mesure des commanditaires pour faire porter l’entière responsabilité aux exécutants tout en épargnant les commanditaires, - premiers responsables  de la faillite morale, économique , et financière  du pays.


Le titre en première page voulant que Monsieur Ouyehia écope de 64 ans de prison est trempeur et une manipulation des lecteurs : les juristes vous diront que dans ce type de cas le principe de la « confusion des peines » s’applique ; Si la peine résultant d’un cumul est supérieure au maximum de la peine encourue pour l’infraction sanctionnée le plus sévèrement, elle doit être obligatoirement réduite jusqu’à concurrence de ce maximum. Cela signifie que lorsque le cumul des peines de même nature prononcées pour plusieurs infractions en concours est supérieur à la peine encourue par l'infraction la plus sévèrement réprimée, les peines sont confondues automatiquement. De plus simplement : deux ou plusieurs peines de même nature sont exécutées simultanément dans la limite de la peine la plus forte. En d’autres termes, si plusieurs peines privatives de liberté sont encourues, le juge peut prononcer chacune des peines encourues, principales et complémentaires. Mais si plusieurs peines de même nature sont encourues, il ne peut en prononcer qu'une seule, dans la limite du maximum légal de la peine la plus élevée prévu pour l'une des infractions en concours. Ceci pour dire que Monsieur Ouyehia advenant qu’il écope de deux peines de distinctes de 15 et 12 années, la peine de 15 ans sera appliquée et surement pas les vingt-sept (27) années comme publié en grande pompe !

La rancœur de certains mass médias, dont El Hayet en particulier est loin d’honorer la profession quand on sait que ceux-là mêmes furent à un certain moment d’ailleurs pas si lointain, les tribunes de propagande pour la politique économique et financière qui mena le pays a l’état actuel.

Certes Monsieur Tahkout est loin d’être un modèle d’honnêteté et droiture ; les différents chefs d’inculpation semblent logiques, mais dans le tas, certaines accusations sont d’un ridicule sans précédent. Un des chefs d’inculpation qui M’a le plus interpelé et sans conteste celui qui concerne la TVA. En effet, on apprend que le concerné, qui pour rappel jouissait d’exemptions de toutes sortes dont la fameuse taxe sur la valeur ajoutée, facturait cette dernière à ses clients pour l’empocher, - ce qui est en complète contradiction avec les lois en vigueur. Lui, comme tous acteurs économiques du créneau, sont responsables du préjudice causé au trésor publique, mais, en aucun cas ils ne peuvent être tenus comme seuls responsables et ipso-facto assumer toute la responsabilité avec une poignée d’hommes politiques. Le cahier des charges fut l’œuvre d’un ministre, Bouchwareb, actuellement dans la nature, mais le projet fut adopté par la majorité des députés, toujours « honorant » leur mandat sous la coupole du parlement, approuvé par le C.N.I, et applaudi par la majorité des parti politiques, pour enfin être relayé par la presse dans son ensemble comme étant la seule solution pour endiguer le problème de l’importation des voiture d’occasion, et ainsi réduire la facture des dépenses en devises étrangères. 

On apprend que l’I.G. F s’est porté partie civile dans le procès dit du montage automobile. L’ancien complice devient le bourreau des accusés : C’est quand même hilarant ! Comment se fait-il que l’I.G. F n’a rien trouvé alors que tout le monde savait que Tahkout empochait la T.V.A, entre autres méfaits notoires, dont il était exempté ? Pourquoi l’I.G. F n’a pas bougé alors que tout le monde savait que Tahkout importait des véhicules finis en leur retirant quelques pièces pour profiter des exemptions tarifaires et profiter des largesses et avantages selon le cahier des charges en multipliant les containers importés ? Pourquoi l’I.G. F n’a pas réagi au moment où les images de l’intérieur de l’usine ont fait le tour des médias et de la toile ? Ou sont les responsables divisionnaires du ministère des finances ?

Pourquoi les magistrats s’entêtent mordicus à vouloir impliquer Monsieur Ouyehia dans le procès Tahkout alors qu’au moment où ce dernier a eu son agrément, Ouyehia était secrétaire à la présidence ?  


Les procès des oligarques sont une mine inépuisable de vérités à travers les brides de scoops qui nous parviennent pêlemêle. C’est ainsi que l’on apprend que tous les accusés  sont unanimes à dire savaient que Bouteflika fut impotent depuis 2013, et complétement muet depuis la fin 2016, début 2017, ceux-là même qui juraient par tous les dieux qu’il était sain de corps et d’esprit pour se représenter à un 5eme mandat. Quelle est la responsabilité légale et morale de ceux qui ont témoigné que Bouteflika respectait les dispositions de la constitution quant au volet sanitaire pour gouverner le pays, et même pour se représenter à un cinquième mandat. Quelle sera la réaction de la justice envers les médecins qui ont signé le certificat medical signifiant la pleine plénitude sanitaire de l’ex-président ?

Pourquoi on a l’impression qu’il y aurait un sentiment de non-dit dans les procès en question ? Pourquoi cette insistance à vouloir épargner les frères Bouteflika alors que la logique et les faits font qu’ils sont indeniablement les deux premiers responsables politiquement parlant du massacre ? Pourquoi tout le monde s’accorde à insister sur la responsabilité politique de Messieurs Ouyehia et Sellal, mais on essaye d’éviter de convoquer les Bouteflika ? Quelle interprétation donner à la déclaration de Monsieur Sellal, alors qu’il joue sa tête, quant à son statut de gestionnaire réel et effectif du pays depuis 2013 ? Certains, medias,  ont associé cette déclaration a son caractère jovial voir loufoque, alors que d’autres comprennent par cette sortie, sommes toutes assassine pour l’accusé, comme le signe d’un accord ou d’une entente avec des cercles bien précis contre une quelconque protection pour des membres de sa famille(?). Est-ce-que la démission de Bouteflika fut tributaire d’un accord lui garantissant l’immunité ?

Pour finir, on attend que d’autres joueurs, autres que les figures médiatisées du fait de leur fonction antérieure, soient traduit devant la justice., tous les acteurs pour que la justice ne perde pas sa vocation et son leitmotiv de « justice aveugle ». On doit cesser de vouloir jeter certains elements de premiers ordre, certes coupables, tout en épargnant d’autres dont la responsabilité est aussi avérée dans ce scandale.

Tous les ministres semblent s’être mis d’accord pour mettre le blâme sur le citoyen pour l’explosion des cas de contamination avec le virus de la COVID-19. La presse dans son ensemble n’a pas arrêté d’Amplifier le rôle du citoyen lambda dans cette explosion des cas. Mais revenons un peu en arrière : Pourquoi les journalistes ne rappellent pas aux ministres que la décision d’ordonner le confinement à outrance fut prise par le conseil des ministres malgré l’insistance du conseil scientifique qui ne cessa de mettre en garde le premier ministre des conséquences désastreuses d’une telle précipitation.

On ne peut passer à côté des nouvelles dispositions des pouvoirs publiques
qui viennent de prendre la décision de pénaliser, en emprisonnant, toute personne qui ose dénoncer, mettre à nu la défaillance du système sanitaire, - ou tout autre secteur d’ailleurs ; toute publication sur les réseaux sociaux de la situation des hôpitaux, entreprises publiques de service ou économiques et désormais passible de procès et d’emprisonnement automatique. Les nouveaux hommes forts du système semblent s’inspirer des pratiques, voir renforcer, les pratiques qui ont caractérisées l’ère Bouteflika. Apparemment, ils n’arrivent pas à imprimer que les réseaux sociaux comme seul moyens de reporter les défaillances des différents secteurs, et l’absence des responsables locaux est un cri de détresse et ultime moyen pour le citoyen pour faire connaitre ses déboires, et exprimer ses attentes du service publique.

Le nouveau gouvernement semble ne pas comprendre que l’ère du numérique a transformé la manière dont le contenu journalistique est créé et distribué. Avec l’ubiquité des téléphones et autres appareils portables qui peuvent connecter leurs usagers à l’Internet, la ligne de démarcation entre les consommateurs et les créateurs de contenu est devenue floue, au point parfois de s’effacer. Plus le nombre et la diversité des sources de contenu augmentent, plus les gens risquent de recevoir des informations déformées ou malhonnêtes et d’agir en conséquence. Dans un tel environnement, les gens ont besoin d’un journalisme crédible et fiable pour comprendre leur communauté et le monde en général, et pour prendre des décisions citoyennes en toute connaissance de cause. Nos journalistes semblent incapables d’adopter les normes déontologiques qui ont pour objet d’assujettir leur travail aux valeurs de vérité, de transparence et de communauté de sorte que leurs articles gagnent la confiance du public qui reconnaît leurs compétences et leur intégrité.


La base d’une Algérie nouvelle doit être la considération et le respect de l’intelligence du citoyen. Une justice libre et libérée, juste et indépendante doit être le socle sur lequel on doit bâtir tout le reste. On doit se départir des vielles pratiques   si réellement il y a une volonté sincère pour passer à autre chose. La presse doit être ce quatrième pouvoir qui éclaire le citoyen et contribue au respect des lois de la république en étant objective et juste. Nos journalistes doivent revenir à la raison en respectant le serment du code de déontologie de leur profession.

Salah Eddine Chenini





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